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Kotinos Ghost
4 mai 2004

Le regard amoureux

L'amour rend aveugle, dit-on.

Oui mais alors, c'est quoi les yeux de l'amour ? C'est quoi la "vision de l'amour" ?

J'ai souvent remarqué que les poètes hommes avaient une façon bien à eux de sublimer leur amour, en l'enjolivant physiquement, en en faisant des descriptions qui, pour chatoyantes et voluptueuses qu'elles soient, n'en étaient pas moins assez éloignées d'une réalité bien plus prosaïque... et moins glorieuse esthétiquement parlant !
Les amantes de Baudelaire étaient loin d'être des premiers prix de beauté, la Lesbia de Catulle n'a que peu à voir avec la Clodia qui le fit tourner en bourrique... et les exemples sont légions !

Mais ce qui m'intrigue n'est pas la sublimation de leur amour (en tant qu'amant aimé ou rejeté, peu importe) mais la voie qu'elle a presque toujours emprunté : la sublimation physique.
Rarement, sauf peut-être dans Char justement, je n'ai lu sous la plume des poètes une description transfigurée de leur amour vers une "beauté" qui tenait plus de l'âme que du corps.
Est-ce par orgueil ? Par vanité ? Ne pouvaient-ils accepter d'aimer ou d'être aimés sans que l'objet de cet amour ne soit "dignifié" à la hauteur de leur passion ?

Aimer c'est transcender l'autre mais c'est garder les yeux ouverts.
Ça n'est pas voir un profil de médaille romaine là ou le nez est grossier.
C'est regarder ce profil qui n'a aucun charme pour les autres et y voir une phrase prononcée dans la douceur d'une nuit.
C'est laisser son regard se perdre dans l'eau d'un iris quelconque et y lire les mots d'amour jetés sur une page ou dans un mail.
C'est contempler des heures en silence un dormeur aux paupières bouffies de sommeil et n'entendre que son rire, la mélodie de sa voix à votre oreille.
C'est suivre la ligne courte d'épaules étroites et voutées et se sentir bouleversée de tendresse pour cette fragilité gauche et sans grâce.

Quelle facilité d'aimer ce qui est aimable !
Quelle fuite que de parer ce qui ne l'est pas d'une beauté inventée pour les besoins de la cause !

Et quelle éternité promise à la passion dans cette trans-figuration sans dé-figuration !

Être l'unique regard qui verra l'exceptionnel là où les autres ne verront rien.

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