Mild und leise
Il y a un an, jour pour jour, heure pour heure, je renonçais à la seule souveraineté de ma nuit vivante.
J'avais rêvé l'impossible. Contre toute attente, je l'avais atteint, puis le possible à son tour est devenu impossible.
J'ai
renoncé à ma liberté plutôt que de prendre le risque de ne lui offrir
qu'une servitude, plutôt que de l'entraîner dans mes gouffres.
J'espérais malgré tout découvrir en moi une force me permettant de respirer dans l'absurde chagrin de vivre sans comprendre.
J'ai échoué.
Je n'ai trouvé que la torture de l'attente malgré tout, malgré moi.
Il
y a quatre mois, j'ai ouvert ce blog pour tenter d'échapper aux noyades
des drogues, des anti-douleurs, de l'alcool, des coma à répétition.
Je pensais que l'écriture pourrait peut-être me libérer de cette tumeur-là.
J'espérais que ce serait un moyen de vider ma tête et mon coeur de cette putréfaction vivante.
Là aussi, j'ai échoué.
Je n'ai jamais réussi à pénétrer le noyau de l'atome comme je l'avais espéré dans ma première note, le 15 avril dernier.
Je
n'ai fait que tourner autour, me consumer à sa périphérie, brûler le
peu qui subsistait de moi en restant dans l'ombre portée de
son irradiation, sans avoir le courage d'aller jusqu'au bout des mots,
sans avoir la lâcheté de porter le scalpel sur lui.
Il restera intact, inviolé, pur.
Il y a un an, je croyais savoir où j'allais.
Depuis sept jours, je ne sais même plus qui je suis.
"Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir ?
Mourir, c'est devenir, mais nulle part, vivant ?"
Je n'en sais plus rien.
Je n'en sais plus rien si je l'ai même jamais su.
Je
croyais que l'écriture m'aiderait à me trouver et je me suis perdue
dans le dédale des impasses que j'ai moi-même construites.
Disloquée.
Démembrée.
Oneiros
Thanatos voulait rassembler ses fragments pour reconstruire le miroir
d'Orphée, pour retrouver son Eurydice, le fantôme de Kotinos.
Au
lieu de quoi, elle les a piétinés au point de n'en plus faire qu'une
myriade de petits éclats de verre, tapis coupant sur lequel, absurde,
elle danse, comme possédée.
L'écriture n'a pas eu le pouvoir de l'exorciste.
Le pouvoir du Verbe s'est évanoui.
Il
y a quatre mois, j'ouvrais ma première note avec ce tableau de Jean
Delville qui m'a toujours fascinée par la beauté crépusculaire de sa
lumière.
Je l'ouvrais aussi sur le seul point fixe de ma vie, la
seule ancre de mon existence, mon unique ambition, mon Credo :
Tristan et Iseult.
Ce Liebestod de Richard Wagner qui condense de la
façon la plus essentielle qui soit à la fois la beauté et la cruauté,
l'amour et la mort, l'éternité et le vide.
Adblock
Adblock
Bande-son : Wagner - Tristan Und Isolde - Act 3 - Scene 3 (Isoldes Liebestod.)
Version originale
Mild und leise
wie er lächelt,
wie das Auge
hold er öffnet ---
seht ihr's Freunde ?
Seht ihr's nicht ?
Immer lichter
wie er leuchtet,
stern-umstrahlet
hoch sich hebt ?
Seht ihr's nicht ?
Wie das Herz ihm
mutig schwillt,
voll und hehr
im Busen ihm quillt?
Wie den Lippen,
wonnig mild,
süßer Atem
sanft entweht ---
Freunde ! Seht !
Fühlt und seht ihr's nicht ?
Hör ich nur
diese Weise,
die so wunder-
voll und leise,
Wonne klagend,
alles sagend,
mild versöhnend
aus ihm tönend,
in mich dringet,
auf sich schwinget,
hold erhallend
um mich klinget ?
Heller schallend,
mich umwallend,
sind es Wellen
sanfter Lüfte ?
Sind es Wogen
wonniger Düfte ?
Wie sie schwellen,
mich umrauschen,
soll ich atmen,
soll ich lauschen ?
Soll ich schlürfen,
untertauchen ?
Süß in Düften
mich verhauchen ?
In dem wogenden Schwall,
in dem tönenden Schall,
in des Welt-Atems
wehendem All ---
ertrinken,
versinken ---
unbewußt ---
höchste Lust !
Traduction française
(offerte par Thibaut... il n'y a pas de hasard)
Que son sourire est
doux et léger,
comme il ouvre les yeux :
le voyez-vous, amis ?
Ne le verriez-vous pas ?
Comme il brille
de plus en plus radieux,
de plus en plus puissant,
environné d'étoiles,
ne le verriez-vous pas ?
Comme son coeur se gonfle
vaillamment, et plein et sublime
bat dans sa poitrine !
Comme de ses lèvres
une douce haleine,
délicieuse, suave,
s'échappe doucement :
amis, voyez !
ne le voyez-vous pas ?
ne le sentez-vous pas ?
Suis-je seule
à entendre cette mélodie
qui, si légère,
si merveilleuse,
soupirant de bonheur,
disant tout avec douceur,
douce et conciliante,
s'échappe de lui,
prend son élan,
me pénètre
et de son timbre gracieux
résonne autour de moi ?
Ces voix plus claires
qui m'environnent,
sont-ce les ondes
de brises suaves ?
Sont-ce des flots
de parfums délicieux ?
Comme ils se gonflent,
comme ils m'enivrent,
dois-je respirer ?
dois-je regarder ?
Dois-je savourer,
m'y plonger,
doucement,
dans ce parfum
m'évaporer ?
Dans la masse des vagues,
dans le tonnerre des bruits,
dans le Tout respirant
par l'haleine du monde,
me noyer,
m'engloutir,
perdre conscience,
volupté suprême !
Ça n'est pas ici que je trouverai cet apaisement. Je le sais. Je le sens.
Depuis peu, mais j'en suis certaine.
Et René Char l'a dit avant moi : "On ne peut se retirer de la vie des autres et s'y laisser soi."