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Kotinos Ghost
5 mai 2004

Le mépris

Il y a quelque années de cela, je me souviens avoir lu le premier roman d'Anny Duperey, pas du tout une biographie, qui s'appelait, je crois, "Le nez de Mazarin".
L'idée de départ était la description de la destruction d'une relation de couple suite à un incident, dont le lecteur n'est jamais tout à fait certain (pas plus que l'héroïne d'ailleurs) qu'il se soit réellement produit.
En gros et sans entrer dans l'intégralité du récit, lors d'un trajet de nuit,  la femme sommeille au côté de son époux qui conduit et, dans un flash, elle a l'impression que leur voiture heurte quelque chose ou quelqu'un.
... Et le mari continue sa route imperturbablement, en silence.
Silence entre eux sur ce qui vient de se passer, silence qui ne sera jamais brisé.
Suite à cet incident, la femme essaie tout d'abord de le chasser de son esprit, puis de se convaincre qu'elle l'a imaginé.
Sans résultats.
A partir de là, toute la relation d'amour, de confiance, de solidité tissée entre elle et ce mari parfait, idéal, sans faille, se délite peu à peu comme un chateau de sable sous l'assaut des vagues.

Il m'est arrivé il ya quelques temps une aventure semblable mais dans le domaine amical, relationnel.
Sans entrer dans des détails qui n'amèneraient rien, j'ai brutalement été confrontée à la vision de la lâcheté d'amis de longue date, de personnes que j'aimais bien et en qui j'avais foi ou confiance.
Oh ! Rien de grave, pas mort d'homme ! Mais quand même....
Une sacrée blessure.
L'incident passé, son spectacle n'arrivait pas à s'effacer de mon esprit.
Toutes proportions gardées, ça me rappelait ces récits qui décrivent la passivité de témoins dans une rame de métro quand une fille se fait agresser et violer et que tout ce petit monde détourne la tête ou change de wagon histoire de ne pas devenir la cible de coups, sans se porter à son secours.
Ou encore, l'attitude ô combien commune du passant qui trouve sur son chemin un SDF fleurant bon le chien mouillé et le carton d'emballage et qui, en l'espace d'une demi-seconde, se met à se passionner littéralement pour le rayon layette d'un magasin.... sur le trottoir d'en face.

Le forum où l'étalage de leur petite veulerie ordinaire s'était manifesté, je l'ai quitté illico.
Néanmoins, nous avions aussi, comme souvent de coutume pour les "Anciens" de fora qui ont du mal à cohabiter patiemment avec le newbie de base tendance SMS, un forum secret où pouvoir échanger dans une ambiance plus proche de nos aspirations de départ.
Mais même là, je n'ai plus mis les pieds.
Sans explications, sans en demander, sans en attendre.
Encore moins les justifications usuelles qui n'auraient pas manqué, j'en suis bien certaine.
Les désormais bien rôdés "Mais j'étais pas là..." ou "J'ai rien vu, ça s'est passé où ?" ou encore "Ma connexion était en rade...".
Je crois que j'aurais encore plus mal supporté qu'ils ajoutent à leur lâcheté initiale, des explications de pleutres....

Mais ce qu'il y a de terrible, c'est que je n'arrive pas à me départir de la tendresse que j'avais pour eux.
Malgré le mépris.
Malgré la honte.
Ce goût amer et âcre dans la gorge.

Je sais que je ne peux plus rien partager avec eux, que la confiance est détruite et qu'avec moi, c'est rhédibitoire et définitif.
Je me sens incapable, physiquement incapable, de faire comme si de rien n'était, de reprendre les choses en faisant l'impasse sur ce qu'ils ont révélé d'eux-même mais je ne parviens pas à rayer de mes tablettes l'amitié qui nous a unis, les souvenirs communs, les complicités, les connivences, les affinités électives qui nous avaient jetés dans les bras les uns des autres, les regroupements de tout ce petit monde venant de France et d'ailleurs lors d'agapes dantesques, de saturnales infernales et réjouissantes dans d'improbables antres des ténèbres dont nous avions seuls le secret.

Je sais aussi que j'arriverai à leur pardonner.
Mais sans retour à eux.
Je les ai rayés de ma vie. Avec une infinie tristesse.
Question de survie, justement.

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